CTV : C’est comment la vie d’une jeune fille de 18 ans, ses relations avec les jeunes de son âge, quand on est la fille d’un éleveur de bravo ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Beaucoup de mes amis ne connaissent rien au monde des toros, ne sont pas aficionados et on peut même dire que cela ne leur plaît pas du tout. Étant mes amis, ils passent outre, mais cela dérange quand-même beaucoup. Ceci dit, par ici ( je viens de finir mes études secondaires à Cádiz) il y a tellement de ganaderías, que finalement je tisse pas mal de liens avec des jeunes de mon âge de ce milieu et autant dire que l’on s’entend très bien ! Mais , chaque jour qui passe, c’est de plus en plus dur de trouver des jeunes qui se sentent attirés par le monde de los toros.
CTV : Le bac en poche, quelle est la prochaine étape ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Je veux essayer de faire une école vétérinaire car c’est ce qui me plaît. Le soin des animaux me passionne car depuis toute petite je suis au milieu des chevaux, de l’élevage et de tous les animaux . Ce qui me plaît par dessus tout, ce sont les bovins et les chevaux.
CTV : La commission taurine de Vic-Fezensac a été très impressionnée par votre implication lors de l’embarquement de la corrida de 2019 (17 ans à l’époque), cette participation au quotidien de la ganadería est donc déjà un fait ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Depuis toute petite, j’essaie de ne pas louper un embarquement dès lors que je suis disponible. Ça me plaît ! C’est aussi un moment très délicat. Il faut être adroit avec les portes. Chacun doit rester concentré sur son rôle. Tout faire pour que les toros ne s’abîment pas. J’ai commencé avec mon grand-père et je continue avec mon père !
CTV : Et concernant le reste des travaux au quotidien ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Tout d’abord, il faut dire que mon père ne verrait pas d’un mauvais œil que je prenne les trastos pour toréer une becerra, mais ma mère ne veut pas en entendre parler ! Sinon, dès lors que mon emploi du temps me le permet, je participe aux travaux du campo au maximum, mais les deux dernières années, mes études m’en ont tenue assez éloignée. Et avec les études qui m’attendent, je vais devoir restreindre cela aux vacances…Mais j’aurai encore plus d’envie, car je pourrai voir en pratique ce que j’étudierai et apprendre en voyant les vétérinaires travailler chez nous. En dehors des embarquements, j’ai souvent « montré » des corridas, à cheval avec mon père, les vaqueros, le mayoral. Et les tentaderos ! Les tentaderos en casa avec mon père pour apprendre à juger le bétail. A bien cerner quel toro on veut élever.
CTV : C’est là que le savoir se transmet, que les méthodes maison se peaufinent ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Bien sûr ! Mon père nous enseigne à mon frère (Jaime 15 ans) et à moi ce qu’il cherche dans ses toros qui est la même chose que cherchait déjà mon grand-père. C’est-à-dire des toros qui transmettent beaucoup, qui amènent de l’émotion, qui soient vaillants et braves au cheval. Il faut qu’ils soient nobles, mais avant tout qu’ils transmettent de l’émotion ! A la maison, on dit toujours que la noblesse sans l’émotion ne rime à rien !
CTV : La relève est donc assurée chez les Cebada ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Absolument, car à part moi, mon frère Jaime passe tout son été aux côtés de mon père sur la ganadería . Il passe ses journées au campo avec les vaqueros, à donner à manger, surveiller les vaches…
CTV : Combien compte de mère la ganadería ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Avec les deux fers, approximativement 400 mères. A l’UCTL, Herederos de José CEBADA GAGO (la plus connue) et à l’Associación, Herederos de Salvador GARCIA CEBADA ( mon grand-père). Mais les deux fers sont en fait le même encaste. Todos son CEBADA…
Le toro doit plaire à l’aficionado car les figuras, finalement, passent. La ganadería, elle, reste. Elle passe de pères en fils et doit essayer de maintenir un style qui soit du goût de l’aficionado pour qu’il ait envie de revenir à la plaza !
CTV : Combien de lots étaient prévus en 2020 ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Etaient prévues des corridas pour Pamplona, Vic, Colmenar, et une autre et en novilladas, on devait revenir à Arnedo où l’an dernier nous avons triomphé (meilleur novillo et meilleure novillada), de nouveau à Villaseca de la Sagra, Algemesi…
CTV : Vous avez 18 ans, vous êtes aficionada, ganadera et connaissez les difficultés que rencontre la tauromachie, vous représenter la génération montante, comment voyez-vous l’avenir ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Si je me fie à ce que me raconte mon père, sur la rapidité des évolutions, cela semble vraiment difficile ! Qui plus est avec la COVID. Il faudrait déjà tout faire pour que l’année ne s’en aille pas sans célébrer le moindre festejo. Mais ils semble que les énergies manquent ! 2020 va être une année très dure et en plus on ne sent pas une énorme envie d’avancer tant au niveau politique que des empresas.
CTV : Deux mondes, l’urbain et le rural, vivent côte-à-côte sans se comprendre ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Sans aucun doute ! Nos amis urbains considèrent que les animaux sont des êtres égaux à l’humain et qu’à ce titre il ont les mêmes droits et qu’il faut les traiter comme une personne… En fin de compte, eux qui ne vivent pas à la campagne, ne connaissent pas réellement ce qu’est la vie d’un animal au quotidien, ils n’en ont aucune idée et se forgent des opinions erronées.
CTV : S’ils pouvaient mieux connaître la vie du toro au campo, cela changerait-il quelque chose ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Bien sûr, cela aide. Chez nous, nous organisons des visites pour que les gens puissent voir et connaître le mode d’élevage et la vie du ganado bravo. Ma mère, qui s’en occupe, me disait que si beaucoup des visiteurs sont des aficionados et donc déjà convaincus, pas mal d’entre eux, bien que n’étant pas anti-taurin, ne sont pas du tout aficionados. Et très souvent ils repartent transformés dans leur manière de voir la vie du toro. Il faut leur expliquer comment s’élève le toro, car il ne le savent pas, n’en ont aucune idée. Le seul fait de voir les contraintes de la ganadería et le soin que le ganadero apporte à ses toros fait que souvent ces visiteurs s’intéressent de plus près à la tauromachie et au moins abandonnent leurs a-priori. Ils n’iront peut-être jamais voir une corrida, mais ils critiqueront moins facilement le fait taurin qu’avant.
CTV : Donc dans quelques années, une Cebada ganadera ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : C’est sûr que j’aimerais vraiment reprendre le flambeau, surtout qu’en tant que vétrérinaire, je pourrai aider à la ganadería.
CTV : Chez nous votre fer est apprécié pour ce qu’il amène en piste, justement ce quelque chose qui , des fois, peut déranger certains toreros. Qui vient tienter à la Zorrera ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : A la maison, les figuras ne se bousculent plus depuis bien longtemps. Donc ce sont les toreros qui combattent nos toros et des novilleros qui viennent tienter. Autrefois les figuras venaient, mon père me l’a souvent raconté, mais ce temps là est révolu.
CTV : Que vont devenir les toros de 2020 ?
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Les cinqueños (ceux de Vic, entre-autres), nous allons essayer de les toréer à puertas cerradas avec l’espoir de peut-être trouver un semental. Mon père y tient car le lot de Vic est très très bien présenté (Vic oblige) et aussi très bien noté. Ceux que l’on ne pourra pas toréer partiront, si c’est possible, pour les festejos de la calle où la limite d’âge est plus souple. Pour le moment rien n’est parti à l’abattoir ! Les cuatreños, on va les garder parce-que nous espèrons pouvoir en 2021 faire la temporada qui était prévue en 2020, c’est plus ou moins le son de cloche que nous avons des empresarios où nous devions aller cette année. Mais c’est sûr qu’il va y avoir une sélection très stricte sur les novillos de cette année.
CTV : Pour finir, une définition de la philosophie CEBADA GAGO
Micaela GARCIA-CEBADA RUDIEZ : Le toro doit plaire à l’aficionado car les figuras, finalement, passent. La ganadería, elle, reste. Elle passe de pères en fils et doit essayer de maintenir un style qui soit du goût de l’aficionado pour qu’il ait envie de revenir à la plaza !
Herederos de Don José CEBADA GAGO
• Devise : Rouge et vert
• Signe : “zarcillo” à chaque oreille
• Ancienneté : 28 juillet 1946
• Finca : “La Zorrera” – Medina Sidonia (Cádiz)
• Mayoral : Alberto Ariza Moreno
• Sang : Núñez – Jandilla – Torrestrella
• 11ème participation à la Feria de VIC (1994 – 2001 – 2003 (Ccrs) – 2004 – 2009 (Ccrs) – 2011 -2013 – 2014 – 2015 – 2019)
Les toros de CEBADA GAGO devaient être présents pour Toros en Vic 2020 avec face à eux : Thomas DUFAU, Gómez DEL PILAR, Miguel Ángel PACHECO.